lundi 26 mars 2018

La musique, autrement avec le numérique

La musique n'a pas toujours eu les mêmes usages au fil des siècles, ni les mêmes auditeurs.

Jouée par des orchestres dans des milieux privilégiés, puis démocratisée et diffusée massivement par les radios, la vente des disques microsillons puis cassettes, CD, DVD, la musique a pris une place et joué des rôles très différents.

Et maintenant que le numérique a permis la copie facile et de qualité, la "consommation" de la musique en a été complètement chamboulée.

Comment ?


La musique des instruments


Avant l'enregistrement, la musique était produite par les instruments ou chantée "a capella"

Les enregistrements ont démocratisé et changé complètement l'écoute de la musique

Les premiers disques en résine permettaient d'écouter une chanson ou un morceau de musique de quelques minutes.

Les "45 tours" prirent le relais puis le "33 tours" donnèrent la possibilité d'écoute de concerts (quelques fois en plusieurs disques).

Enfin le CD, puis le DVD musical proposaient de la musique de haute qualité en quantité.

En même temps, les radios musicales se sont spécialisées dans certains genres de musiques pendant que FIP s'est assuré un grand succès avec des sélections de musiques variées sans publicité.

Mais le grand changement vint de la miniaturisation et de la démocratisation des enregistreurs.

Les enregistreurs sur bandes puis, sur cassettes, ont permis de constituer sa propre sélection de musique.

Avec les baladeurs, "walkman" de Sony en tête, chacun pouvait entendre dans ses écouteurs ou son casque sa musique.

Les éditeurs de musique ont dû faire face aux premiers piratages de masse par ceux qui pouvaient enregistrer ce qu'ils voulaient sur les radios ou à partir des CD.

La bataille des protections a commencé et de la course a une qualité meilleure que celle des cassettes.

Le numérique a accéléré la diffusion et les échanges de musique

La surenchère de qualité du son a vite atteint sa limite avec l'enregistrement digital sur bande magnétique : l'enregistrement numérique devenait aussi bon sur bande magnétique que sur CD.

L' ordinateur a facilité ces enregistrements et Internet leur approvisionnement et leurs échanges.

Les éditeurs de musiques ont été débordés à la fois parce qu'il ne pouvaient exercer le contrôle sur une faible partie de  la diffusion des musiques, mais aussi par le mode de consommation de celles-ci.

Les éditeurs se sont accrochés à ce qu'ils savaient faire le mieux : éditer de beaux albums et de qualité musicale optimale.

Avec le numérique, la reproduction ne dégradait plus la qualité de l'enregistrement.
Quant aux albums, cela faisait longtemps que les enregistrements regroupaient des morceaux choisis provenant de différents albums, radios, échanges. 

La musique, même piratée, continuait à se vendre très bien !

C'est ce que je décrivais dans un article : "La musique se vend plutôt bien"

"La crise du disque... en 1980"... et depuis des dizaines d'années le disque continuait à se vendre.

La musique par abonnement, un nouveau mode de consommation de la musique

Deezer, Spotify, Apple Music, Amazon Music, Google Play Music ont sacralisé les nouveaux usages 
- les playlists : liste d'enregistrements comme la succession de musique enregistrées sur cassettes ou dans les baladeurs

Ces listes personnalisées se sont échangées.

Au lieu de confectionner sa propre playlist, c'est plus facile (mais plus passif) de se brancher sur une playlist existante.

La musique "moods" (personnalisation d'ambiance) ou mood music est une culture à part entière produite des DJ? ces animateurs de discothèques et de boites.

Vernon Subutex, un des romans à succès? n'est-il pas un DJ exceptionnel après avoir été disquaire mis au chômage par la mévente des disques ?


Ce sont les playlists qui sont devenues les sélections recherchées

Des ambiances pour chaque moment du quotidien : voilà ce qui était réalisé artisanalement depuis longtemps par les playlists personnelles.

Mais, on peut aussi remarquer que des musiques particulières étaient composées dans des buts bien précis :
  • la musique d'ascenseur et les salles d'attente pour faire patienter et décontracter
  • la musique pour danser et faire la fête
  • pour se relaxer, s'endormir
  • pour la cuisine, la douche, l'atelier de bricolage
  • pour le voyage
  • pour le réveil, la tonicité
  • pour les WC (surtout au Japon), pour couvrir les bruits gênants
  • les musiques de film

Les playlists devenues les produits recherchés ont attiré toute l'attention des diffuseurs de streaming.

La musique des playlists est devenue un ensemble ("moods") d'ambiance ou d'humeur

Aux USA, Joseph Lanza qualifie l'écoute de ces musiques comme une écoute "périphérique", où c'est plus l'inconscient qui en profite, en tâche de fond, que l'écoute volontaire.

Dans son livre "La fascinante histoire des musiques d'ascenseur". Une histoire surréaliste de Muzak, des musiques faciles et autres musiques d’ambiance", il défend ces musiques : "Sans la musique d'ascenseur, le monde serait plus sinistre que ses détracteurs pourront l'imaginer".

Et la musique est plus désignée par ce à quoi elle sert que par son contenu propre.
Son choix est fait en fonction de l'activité que l'on va faire ou l'état d'esprit dans lequel on est.

Pour le chercheur suédois Lars Liliestam, "le choix d'un artiste ou d'une musique est très souvent guidé par le besoin de contrer ou d'alimenter ses sentiments du moment". (voir article "Les Jours de Sophian Fanen -sur abonnement payant).

La playlist des GAFAM est-elle la réponse aux demandes de playlists de chacun ?

Les playlists sont devenues des produits industriels.

Et à ce titre, elles suivent les logiques commerciales et leur rentabilité optimale.

Comment celui qui constitue la playlist, constatant qu'un titre lui exige de payer des royalties importantes, ne serait-il pas tenté de remplacer ce titre par un autre dont les droits d'auteurs sont échus ou très modestes ?

Les "écuries" d'édition de musiques n'ont-elles pas trouvé un nouvel espace de revente de produits "tout faits" répondant le mieux possible à leur intérêt économique ?

À moins que comme pour les logiques dominant le web, les surveillés imposent leurs sousveillances.

Et que de consommateurs assistés et passifs ils fassent la promotion d'une nouvelle forme de consommation basée sur leurs vrais goûts et choix actifs et interactifs.

Et vous ?
Comment avez-vous vécu ces transformations ?
Quelle offre musicale souhaitez-vous ?
pierre.rene654@gmail.com