Un monde parfait Internet ? |
Sans même parler de la sécurité, à la question vous sentez-vous libre et bien informé sur Internet, seulement 60% des réponses sont positives.
Pourquoi ? Alors que chacun peut y publier et y rechercher ce qu'il veut ?
La liberté... de quoi faire ? avec quelles conséquences ?
Ne pas oublier les pays où la liberté sur le web se paye chère |
Mais qui prend encore la peine de lire, d'échanger, de commenter, de communiquer (dans les deux sens !) ?
Une minorité de plus en plus réduite par l'immense masse des consommateurs qui se servent sans offrir rien en retour..
On peut rechercher ce qu'on veut .
Mais les réponses des moteurs de recherche (et surtout celui de Google) sont des modèles de conformisme à votre profil préétabli. Au point de vous enfermer dans une bulle où vous ne retrouverez que des informations et des propositions vous convenant.
L'établissement des profils et le filtrage, des armes d'enfermement de chacun dans sa bulle
Dans son enquête : "Sur Internet, l’invisible propagande des algorithmes" Frédéric Joignot raconte :"Deux personnes opposées politiquement, l’une de droite, l’autre de gauche, lancent une recherche Google sur « BP ». La première reçoit, en tête de page, des informations sur les possibilités d’investir dans la British Petroleum, la seconde, sur la dernière marée noire qu’a causée la compagnie pétrolière britannique."
On commence à se rendre compte de l'intoxication de l'information sur Internet.
"De véritables « cocons » partisans pullulent dans la blogosphère, dans lesquels les internautes trouvent une confirmation de leurs convictions et de leurs préjugés sans être confrontés à des idées opposées"
Pour Katharina Viner qui a étudié "Comment la technologie a perturbé la vérité" :
"les algorithmes sélectifs des réseaux sociaux et de Google ont joué un rôle décisif dans ces flux « en cascade ». En n’échantillonnant que des informations fondées sur les demandes passées et les affinités des internautes, ils les ont abreuvés de milliers de pages et de sites d’information partisans, confortant leurs avis, les confinant dans leur « vision du monde » et leurs « croyances », tout en faisant « passer [celles-ci] pour des faits »".
Eli Pariser, un autre chercheur, analyse : "cet enfermement silencieux dans une bulle se produit autant au niveau des personnes que des contenus.
Il a ainsi constaté que sa page Facebook a rapidement vu disparaître ses amis conservateurs. Du fait qu’il échangeait peu avec eux, ou ne « likait » pas leurs posts, leurs actualisations ont disparu.
Or s’il ne partageait pas leurs opinions, il ne voulait pas pour autant voir leur présence et leurs idées s’escamoter.
Au niveau des contenus, tous les textes, liens, pages, vidéos, événements qui le faisaient peu réagir ont aussi été éliminés.
En fait cette liberté est un peu celle du Far-West
Ce monde nouveau est un mélange d'utopies créatrices et généreuses et d'empires plus forts que lesWeb 2.0 un bel idéal et d'immenses possibilités... à ne pas laisser gâcher |
(Lire mon article : "Les grandes batailles, enjeux et acteurs dans la high-tech")
C'est aussi un monde de pillage de données personnelles (même si ce n'est pas le seul endroit où vos données sont détournées)Mes articles l'ont décrit : "Tout ce qu'on arrive à déduire et connaitre de vous à partir de Facebook !et "Pseudo sur Facebook, anonymat, respect vie privée et Windows 10""Google, son identité numérique et le droit à l'oubli"
Mais on peut aussi agir ! et "Remplacer Google avec des outils équivalents du logiciel libre, gratuit, communautaire... et sans publicité ?"
Avoir des informations personnalisées sur-mesure un rêve ? ou un cauchemar ?
Soyons honnête, c'est avant tout pratique et confortable !Pour sortir du profilage qui organise votre environnement sur Internet, ce n'est pourtant pas compliqué.
Comme je l'écris dans "Les moteurs de recherche sur internet autres que Google", il suffit d'utiliser un moteur de recherche qui ne vous piste pas.
Mais les habitudes nous freinent.
Si on le veut, on peut (et on doit) agir ! Individuellement :
Pour changer d'habitudes, il faut adopter une discipline à respecter, par exemple :- si vous cherchez sur Internet des informations usuelles qui ne sont pas des "marqueurs", utiliser le moteur de recherche Google ne peut pas nuire et c'est très pratique pour tomber immédiatement sur les infos courantes.
- quand vous recherchez un terme "marquant", comme recherche sur un voyage ou un produit, si vous voulez limiter l'inondation de publicité sur ce thème ; passez votre navigateur en "navigation privée" (clic droit)
- si vous voulez faire des recherches sans à priori, utilisez un autre moteur de recherche comme DuckDuck Go ou Qwant
- si vous ne voulez pas laisser de traces, adoptez un moteur de recherche garantissant l'anonymat, puis faites un nettoyage de cookies après votre navigation (avec CCleaner, par exemple)
- enfin, si vous voulez masquer votre adresse IP qui vous localise et vous identifie, utilisez un VPN (comme CyberGhost ou d'autres plus puissants).
On peut (et on doit) agir aussi collectivement !
Se réapproprier, civiliser le Web |
Ce « comportementalisme radical » les empêche de se déployer, de se diversifier, de s’ouvrir à d’autres univers, de se confronter aux positions communes ou contradictoires.
Il faut désormais encourager la « diffusion d’une culture statistique dans le public » et l’aider à mener « une radiographie critique des algorithmes ».
« Il n’y a pas de raison de penser que les utilisateurs ne parviennent pas à socialiser les calculateurs » et à « les domestiquer ».
« Déjà, des collectifs d’appropriation citoyenne se multiplient pour auditer les algorithmes », assure-t-il.
Il est temps d’ouvrir « la boîte noire » et d’en finir avec « le guidage automatique »."
"Aux Etats-Unis, Cass R. Sunstein rappelle, quant à lui, que dans nos sociétés démocratiques, les câblo-opérateurs sont tenus par des règles de « must carry » – un « devoir de transport » – pour des programmes locaux et des contenus diversifiés.
Que les fréquences radios et télévisées sont obligées de s’ouvrir à des émissions éducatives. Que la règle de l’équité du temps de parole politique s’exerce sur les grands médias.
Il estime que les grandes sociétés du Web devraient s’auto-réguler, reprogrammer leurs algorithmes et ouvrir des « trottoirs électroniques communs », préservant ainsi une information pluraliste et le dialogue citoyen"
(Extraits de l'enquête de Frédéric Joignot et Stefan Bladh : "Sur Internet, l’invisible propagande des algorithmes")